Un saut de 450 000 ans dans le passé : l'homme de Tautavel
Il est courant de lire.....
qu’Homo sapiens, notre espèce, a remplacé un peu partout l’homme de Neandertal. Et si c’était plus compliqué? C’est l’une des interprétations possibles d’études récentes publiées dans Nature ou Science. Des faisceaux d’indices s’accumulent depuis des années vers une théorie de plusieurs dispersions hors d’Afrique avant celle que nous pensons connaître. Nous savons toutefois que les Homo sapiens ont cohabité avec l’homme de Neandertal en Europe, avant de finalement s’éteindre. Ils ont laissé leurs empreintes génétiques dans le génome des Homo sapiens pour les générations à venir, offrant autant de précieux indices pour étudier leur lignée. Il faudra tout de même d’autres découvertes ou de nouvelles analyses pour mieux comprendre l’histoire de notre espèce.
Revenons à notre visite à Tautavel ce 25 juin 2019. Cette visite a été organisée par A3CNRS Occitanie Est avec, à notre invitation, la participation de collègues d’Occitanie Ouest. Notre visite se passa en trois parties: la visite des fouilles de la Caune de l’Arago, puis après un déjeuner champêtre, la visite du musée des premiers habitants de l’Europe et enfin celle du Centre européen de recherches préhistoriques de Tautavel.
Imaginez une vallée actuellement fertile assez encaissée et entourée de falaises. A mi-hauteur d’une falaise exposé au sud se situe la grotte. Au pied de la falaise coule une rivière, le Verdouble qui servait de point d’abreuvement aux animaux herbivores. C’était un abri de rêve pour les chasseurs-cueilleurs du Pléistocène moyen, période de la préhistoire courant entre -781 000 ans et -126 000 ans. L’homme préhistorique qui habitait la grotte il y a 300 000 à 450 000 ans a été nommé «homme de Tautavel» après la découverte par Henry de Lumley et son équipe de dizaines de fragments fossiles, provenant notamment de crânes. La star des restes humains porte le surnom d’Arago 21: c’est un crâne remarquablement complet, sorti en 1971 et complété en 1979 par un os pariétal qui s’y emboîte à la perfection, comme dans un puzzle. A l’époque de leur découverte, ils marquaient à -450 000 ans les plus anciennes preuves d’une présence d’hominidés en France. La Caune de l’Arago est toujours fouillée chaque été (photo 1). Outre les restes abondants d’animaux des climats froids et des outils en pierre, les travaux de ces dernières années ont permis de mettre au jour des mandibules humaines, un humérus, un fémur et un péroné, puis plus récemment une incisive. Les trouvailles dépendent de la strate fouillée. Principe de base en archéologie: plus c’est profond, plus c’est vieux. Chaque niveau de la fouille, tel les cernes d’un arbre, rend compte à la fois de la présence et de l’activité des chasseurs-cueilleurs, nous renseigne sur l’alternance des climats froids et secs et tempérés humides mais aussi sur le paysage végétal et sur la faune qui l’occupe. Dans les niveaux les plus anciens en cours de fouille, les chasseurs-cueilleurs ont abandonné dans la grotte les restes de leurs repas: chevaux, rennes, bisons, rhinocéros, mouflons… Ces niveaux d’occupation sont jonchés d’ossements d’animaux désarticulés, fracturés et de pierres taillées utilisées sur place.
Notre parcours «à la découverte de l’homme de Néandertal» s’est poursuivi par la visite libre du musée des premiers habitants de l’Europe. Ce musée moderne et ludique fait la part belle à l’interactivité. Il est consacré à la partie la plus ancienne de la préhistoire en Europe et replace le site de Tautavel dans la chronique des sites anciens. Tout au long des salles nous avons découvert l'histoire des premiers humains qui ont colonisé notre continent, de la Géorgie à Dmanissi, à l'Espagne à Atapuerca et bien sûr en passant par l’Occitanie Est à Tautavel: moulages de crânes, restes fossiles, reconstitutions d'habitats ou des premières traces de foyers. Ainsi, les fouilles sur la plage de Terra Amata prés de Nice ont permis de retrouver les traces d'une hutte mais aussi d’un foyer. Les outils retrouvés à Atapuerca montrent la maîtrise des hommes préhistoriques.
Déjà, il y a 400 000 ans, à Terra Amata ou à Menez-Dregan dans le Finistère, les premiers européens aménagèrent des foyers afin de cuire leurs aliments et à durcir les pointes de leurs armes en bois.
Notre visite se termina par celle du Centre européen de recherches préhistoriques de Tautavel. Il rassemble aujourd’hui en un seul lieu une réserve archéologique, un centre de recherche et un musée. Les collections archéologiques du musée de Tautavel, parmi les plus riches au monde et les plus anciennes de France (580 000 ans), sont exposées sur plus de 1500 m² de galeries, suivant une présentation thématique. Gaëtan nous commenta la visite. Érudit passionné, il nous présenta avec force détail les animaux, les climats de chaque époque, les outils utilisés par les hommes, les restes humains et les métiers de la préhistoire. Les connaissances acquises et la complémentarité des équipes de recherche ont permis de rendre compte avec précision de la vie il y a presque 500 000 ans! Avons-nous rencontré l’homme de Neandertal? Oui au détour d’une salle (photo 2). Nous dirons que ce fut plutôt inattendu. Je ne vous dit pas si nous avons sympathisé, ni beaucoup communiqué.
Avant de terminer ce compte-rendu, il nous faut remercier chaleureusement notre amie d’A3CNRS Brigitte Deniau qui a largement contribué à l’organisation de cette journée, à Christian qui avec passion nous a raconté l’histoire de la fouille, présenté les résultats scientifiques importants et des anecdotes et qui nous fit sentir que la compétition entre les écoles d’archéologie n’avait rien à envier à celle qu’affrontait l’homme de Tautavel pour survivre dans son environnement. A Gaëtan qui nous amena à rencontrer l’homme de Tautavel dans son riche musée. N’oublions pas ici les chercheurs, les ingénieurs et les techniciens qui œuvrent dans les immenses réserves et qui nous ont amicalement accueillis.
Serge Rambal
Légende des photos :
Photo 1. A l’intérieur de la Caune de l’Arago, Christian, responsable des fouilles, nous détaille l’histoire de la fouille, les découvertes importantes et les attentes de résultats des fouilles à venir (photo SR).
Photo 2 . Au hasard du musée, notre rencontre inattendue avec l’homme de Tautavel. Il revenait de la chasse et n’avait clairement pas envie de partager son gibier. Son visage est ici une reconstitution obtenue par des spécialistes de la morphologie faciale à partir du crâne découvert à la Caune de l’Arago (photo SR).
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